Le parfum des lilas

Publié le par andre-guidici

-Je veux plus te voir ! s’écria Toinette en éclatant un bocal de confiture sur le carrelage.
- La confiture de maman ! s’offusqua Thierry.
- Tiens, justement parlons-en de ta mère, de ton enfance aux petits pains beurrés et au chocolat chaud ! Ca vous a dorloté, ça vous a bercé à la lavande et au lilas, ça vous a laqué des souliers, épouillé, bichonné… Et te voilà ! Grande andouille ! Incapable !
Thierry prit un air de victime, le regard placide, les épaules avachies. Sa carrure en clou et ses yeux naturellement délavés lui permettaient de jouer les martyrs de façon grandiloquente.
- Voyons chérie, que puis-je pour te faire plaisir ?
- Voyons chérie, que puis-je pour te faire plaisir ? singea Toinette en levant les yeux au ciel. Mais bon dieu ! Sois un homme et pour une fois fais vraiment ce dont tu as envie !
- Oui, mais, objecta-t-il d’un ton mêlé de crainte, si j’agis ainsi… N’est-ce pas encore t’obéir ?
Elle le toisa comme s’il était un cloporte, il lui sourit d’un air soumis.
- Bon, j’ai compris ! déclara Toinette en enlevant son tablier. Je fais le deuil de notre couple.
Elle allait partir mais il la retint de ses deux mains.
- Je t’en prie, ne prends pas la fuite ! Buvons un dernier thé ensemble. Je vais faire chauffer l’eau.
Toinette s’assit vaincue par ce regard implorant : « notre dernier thé, hum ? ».
Thierry prit la théière et sortit les tasses. Il alla dans la réserve car il n’y avait plus de thé. Curieusement, il se rendit à la cave, Toinette entendit nettement l’escalier grincer. Il revint d’un air joyeux, versa le thé et l’eau, laissa infuser. Puis il se servit. Puis il la servit dans sa tasse préférée sur laquelle une banane riait aux éclats.
Lorsqu’elle porta la tasse à ses lèvres, Toinette sentit immédiatement un parfum désagréable. Elle recula le breuvage. Bon sang, ça lui rappelait un animal… Qu’est-ce que cela pouvait bien être ? Elle fit mine de goûter pour mieux humer. Thierry suivait ses gestes d’un regard brillant.
Cela sentait… Le rat ! Oh bon sang, c’était cela ! Cela sentait le rat crevé ! Thierry lui souriait, sûr de lui. Toinette le dévisagea avec stupeur. Depuis de longues années il ne lui était pas apparu aussi beau, confiant, viril, simplement lui-même tel qu’elle l’avait connue. Il lui tint le bras : « Bois ton thé avant qu’il ne refroidisse, ma chérie ». Sa main était chaude et des sensations enfouies, oubliées parcoururent Toinette.
Alors, reconnaissante de cet amour retrouvé, Toinette but son thé jusqu’à la dernière goutte.

Publié dans nouvelle

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H
Mourir d'amour, j'aime l'idée...Prête à tout pour aimer...un homme, un vrai?HR
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E
Lady Pretty Legs,<br /> Je me doutais que l'ambiguité finale (mort ou extase) ne te laisserait pas insensible ;-)<br /> Merci de tes mots et de tes sourires.<br /> Chris,<br /> C'est la facette de la mouette rieuse !!! lol !<br /> Amitiés<br />  
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C
Une facette que je ne connaissais pas encore...
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N
éclat de rire...ah les femmes...elles ne savent jamais ce qu'elles veulent et en fait si...mais ce sont les hommes qui ne veulent pas l'entendre...quant aux belles-mères, ça fait longtemps que je n'y pense plus...rire...merci pour ce moment savoureux de détente
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