Poésie : retranscription de la poésie du monde ?

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Pour moi, la poésie s’écrit, elle prend tout son corps au moment où elle prend existence, c’est-à-dire qu’elle sort hors de soi. Elle va en effet faire voir le monde différemment aux lecteurs et même à son premier lecteur, le poète lui-même.
A mon avis, le poète ne contemple pas « la poésie du monde » pour la retranscrire avec son ressenti. Il regarde tout simplement le monde, nous en offre sa vision. Il transforme sa perception jusqu’aux mots sur la feuille : c’est une espèce d’alambic, d’athanor ou tout simplement de poche de pâtissier ou même encore plus simplement une digestion/régurgitation.
De plus, le monde n’est pas que poésie et il faut pourtant bien que la poésie s’écrive. C’est même lorsque le monde manque cruellement de poésie que s’élèvent les hautes voix : on a retrouvé des poèmes et des dessins dans des chambres à gaz, écrits sur le carrelage au dernier moment. Et que dire d’Oradour de Jean Tardieu ? Des poésies sur la laideur de Baudelaire ?…
Ainsi la poésie du monde se trouve souvent dans le regard du penseur. Une brume peut être l’élément clé d’un moment de contemplation pour le promeneur solitaire au bord du lac alors qu’elle est source d’agacement et de retard pour l’automobiliste pressé qui se rend à son travail. Quelle différence y a-t’il donc entre cette satanée purée de pois et ce duvet frais, coton de l’espace, si ce n’est la magie du langage, la transfiguration poétique ?
Il est par ailleurs nécessaire d’insuffler la poésie dans le monde car je pense qu’une simple lecture peut apporter beaucoup, changer quelqu’un. Je tire cet enseignement de ma propre expérience : j’ai le souvenir de textes qui m’ont vraiment marquée au même titre que certaines rencontres et il se trouve que ces textes étaient très souvent des poèmes. S’ils peuvent influencer la philosophie de ceux qui les lisent alors ils peuvent en effet rendre le monde meilleur, ou en tout cas différent. C’est à mon sens le but de toute oeuvre d’art : la quête d’un idéal artistique représente en fait cruellement la quête d’un paradis perdu.
 

Publié dans réflexion

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A
Gestes machinaux – écrire en est un – constituant le langage commun. A l’inverse, gestes originaux, poésie du corps, langage inédit sans autre signification que la danse des nuages. Le geste pur dégage une énergie. Le geste pur est de l’énergie en mouvement, qui se communique à l’âme et au corps du spectateur.
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M
La poésie pour dire le monde, dire l'étincelle entre la carpe et le lapin, entre le poisson et la bicyclette, pour éclairer et mieux comprendre, j'ai une approche "utilitariste" de la poésie, mais qui est éclairé, qui comprend mieux ?
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B
Comme je te l’ai dit via mail et cela me passionne,  la poésie est une mise à nu , elle transmet des affects qui nous sont propre suivant notre singularité…
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